J’ai cinq ans, je
rêve assise sur le carrelage froid de l’hiver, l’été bienveillant de tes yeux
réchauffe ma frilosité d’enfant. Tu es sortie pendant que l’âtre crépitait, le
silence glacé du matin a crié. Je m’éveillais mais tu n’étais plus là, le pouls
de la terre s’est arrêté de battre.
ABCDE
J’ai rêvé que nous
parcourions les vignes… à pied, à cheval, en moto, les ceps saluaient notre
arrivée et nous donnaient le meilleur d’eux-mêmes. La douceur de la terre
berçait nos pas. Je m’éveille, le manteau pourpre de la solitude illumine ton
absence.
FGHIJIK
J’ai rêvé que mes
yeux fendaient l’espace… je traversais la fenêtre opaque, volant jusqu’au
sommet de la ville, d’immeuble en immeuble, de champs en vergers, de montagne
en vallée, avec pour compagnons les flambeaux de lune et d’étoiles, dans cette
inaltérable légèreté de l’être. Humanité ! Je veillais sur tes sommeils
bienheureux. L’or du Soleil Levant transperce mon corps relié aux douleurs de
ce lit blanc.
LMNOPQR
J’ai
rêvé ces mots tendres sur le sable chaud d’une plage lorsque ton ombre
rejoignait la mienne ; J’ai rêvé ces mots tendres sur les galets de
l’infini ; J’ai rêvé ces mots tendres baignés du calice de l’amour.
STUVWXYZ
Ciel ! J’ai rêvé
que je vous perdais toutes. Toi, la grande du fond, tu t’es mise à trembler, donnant
la bougeotte à tes sœurs. J’essaie de vous retenir, où partez-vous ? Voilà
que vous tombez l’une après l’autre. Je sens couler dans ma gorge l’âcre saveur
de l’abandon. Non ! Je m’éveille ; incisive, je palpe le terrain. Ouf !
Je souris de ma plus belle parure. Il suffit d’un jeu de langue pour savoir que
bientôt la molasse du fond -pourtant si sage- quittera ses racines, laissant un
grand vide dans ma bouche.
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— Chéri, si nous rentrions, j’ai froid. La gerbe jaillit et t’emporte
au loin. Je crie : — Où es-tu ?
Un poids inextricable me cloue aux courants marins, soulevant une
multitude d’embruns salés que je régurgite. La houle me fauche, je m’effondre
dans le sable pétrifié du néant.
Je hurle et répète désespérément : — où es-tu ?
Ta main prend la mienne, je m’éveille. Ton visage m’apaise. Dehors, la
tempête fait rage, les bourrasques de pluie heurtent les vitres. Les tuiles se
hissent sous la violence du vent. Le tonnerre gronde, nos cœurs cognent à tout rompre ! Puis c’est le
silence. Tes bras me réchauffent. Je ne rêve plus !
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