Vous visualisez une maison ouverte à tous
les vents, dont les murs sont tagués, moisis… Vous remontez le temps et vos
souvenirs d’enfant…
Proposition de M. le
Goût des Autres : Cette photo me serre le cœur, il s’en dégage une
impression, que dis-je des impressions diverses et opposées. Mais à vous ?
Qu’inspire-t-elle ? Bah… On verra ça lundi…
La maison de l’enfance
Quand tu quittas ton beau village
Tu n’oublias son doux sillage !
Le temps qui passe a rallumé
les souvenirs de ta jeunesse…
« Que faudrait-il pour que renaisse
Ta joie en ce lieu tant aimé ? »
Un triste ciel plombe la terre,
le sol glacé d’un signe austère
vêt la maison d’un linceul blanc ;
Franchiras-tu la porte, émue ?
« Partir ? rester ? cela remue
tant le spectacle est désolant. »
La porte était ouverte, elle est entrée…
La porte a perdu sa
serrure, elle ne ferme plus, instable, taguée. Claudia sent une forte odeur
d’humidité. Elle remarque les nombreux graffitis sur les murs ; ici et là,
des moisissures parcourent les cloisons, le plafond. Le parquet est jonché de
cailloux, poussières et détritus. Les deux fenêtres ont leurs vitres cassées ; les
volets en bois semblent rongés...
Son cœur tressaille…
la malle ancienne est toujours là ! Sans doute s’en servait-on d’assise...
Te souviens-tu de
moi ? Tu avais sept ans
lorsque tu ouvris pour la première fois le coffre en pin verni. À cette
époque, ta mamie Félicie était encore en vie. Tu parcourais les
livres et revues qui composaient l’heureux bazar, avec tes doudous, jouets, peluches.
Tu affectionnais tout particulièrement « ces ouvrages dévorés au fil
des semaines ». C’est ainsi que la poésie éclaira ta vie. Ton cœur
se brisa un dimanche soir lorsque Félicie mourut dans ses vignes au printemps. Tu
avais douze ans.
Depuis, j’ai vu passer
du monde ici ! Une fois la porte
forcée, la maison fut accessible à tous, restant ouverte la plupart du temps. Elle
offrait un toit aux sans-abri, aux malheureux ; parfois, un pèlerin
s’arrêtait pour boire l’eau de source qui coulait à la proche fontaine, il
repartait aussitôt n’osant franchir le seuil de la maison. Certes, il y eut
bien ces jeunes effrontés qui venaient le samedi soir pour boire et fumer, on
peut dire que cela empestait. Ils s’amusaient à dessiner des inscriptions sur
les murs puis repartaient au petit matin, récidivant les soirs de fête. Ils
étaient tranquilles au milieu des champs, les plus proches voisins étant situés
à environ deux kilomètres.
Vingt ans plus tard, tu
es là, assise à mes côtés,
pleurant à chaudes larmes. Que comptes-tu faire ? repartir tout de
suite ? j’aimerais bien que tu restes !
Claudia est partie ce
soir-là et revenue le lendemain. Elle a pris du bois et lancé un feu dans la
cuisinière qui fonctionnait encore. Elle s’en allait à la fin de la journée et
revenait le matin suivant. Elle a changé la porte d’entrée et les fenêtres. Elle
a balayé, lavé, nettoyé, traité le salpêtre, repeint les murs et le plafond en
blanc puis reverni les volets et la porte.
Un jour, tu apportas
une table, quatre chaises, un grand lit, un petit lit en remplacement de ceux
existants qui trouvèrent leur place dans la cuisine ou la chambre. Tout
était transformé. La maison de ta grand-mère revivait comme au bon
temps.
Tu es là depuis un mois. Te voici assise, plongée dans la réflexion. Tu parles tout
haut :
— Je dois m’en aller et laisser de nouveau ta maison, mamie…
Cela te fend le cœur.
Cette nuit, tu restes silencieuse. L’orage gronde, des éclairs zèbrent le ciel. Maintenant, il
pleut des cordes. Tu ouvres le coffre et vois ces ouvrages que tu aimais tant lire.
Tu ne dormiras pas cette nuit…
Le lendemain matin, la
pluie martèle toujours le toit et les vitres ; on frappe, un couple
accompagné d’une petite-fille demandent s’ils peuvent entrer se réchauffer. Cette
nuit, la foudre a frappé leur maison située à proximité. Le feu a ravagé la
toiture. Ils savaient cette maison ouverte à tous les vents et que tu
la restaurais. Ils sollicitent ton aide.
— Bonjour, c’est le ciel qui vous envoie alors, entrez vite, leur dis-tu en riant.
— Ô merci beaucoup ! Vous savez, notre
famille connaissait bien Félicie …
— Je suis Claudia sa
petite-fille ; j’avais à cœur de faire revivre sa maison, la maison de
mon enfance. Je dois malheureusement repartir aujourd’hui.
Devant leur mine
déconfite, tu ajoutes :
— N’ayez aucune inquiétude, restez ici le temps qu’il faudra !
Tu les quittes l’esprit
serein et les visitera à Noël !
Le coffre aux trésors
Une petite main soulève mon couvercle,
Sait-elle que je vis… ici depuis un siècle ?
Elle fouille, déplace au milieu des jouets
Des ouvrages vieillots qui transforment sa vie.
« Les pages qu’elle tourne et lit avec envie
illuminent ses yeux, son chagrin, ses souhaits. »
La malle bienheureuse en cette nuit d’offrande
lui donne l’espérance et le plaisir d’apprendre ;
L’enfant parle tout bas confiant son regret
de n’avoir plus d’abri… foudroyé par l’orage !
Découvrant chaque auteur,* poète,* un beau langage,
« Mes rêves sont intacts, me dit-elle en secret ! »
* Victor Hugo : « Notre Dame de Paris » - « Les
Misérables » - « Les Contemplations » ;
Lamartine : « Méditations Poétiques » ;
Albert
Camus : « L’étranger » - « La Peste » ;
Baudelaire : « Les Fleurs du Mal » … / …
Khalil
Gibran : « Le Prophète », dont voici un extrait :
« Et une femme
qui portait un enfant dans les bras dit,
Parlez-nous des
Enfants.
Et il dit : Vos
enfants ne sont pas vos enfants.
Ils sont les fils et
les filles de l'appel de la Vie à elle-même,
Ils viennent à travers
vous mais non de vous.
Et bien qu'ils soient
avec vous, ils ne vous appartiennent pas. »