9 janv. 2023

148e devoir de « Lakevio du Goût », lundi 9 janvier 2023

Proposition de M. le Goût des Autres : Auriez-vous une idée de ce qui peut donner à cette jeune fille un air aussi niais ? J’ai regardé attentivement la toile de Monsieur Pierre-Auguste Renoir. Une idée m’est venue. Et si vous disiez lundi laquelle vous est venue.
 
Pour contempler cette toile, suivre ce lien :
L’Hymne à l'amour

Une amie d’écriture ayant ressorti un vieil album-photos, elle commente une photo de famille avec émotion, un autre ami renchérit ; c’est ainsi que poursuivant leur élan, j’ai ouvert « la boîte à souvenirs ». Je visualise diverses photos de famille, les plus anciennes sont en noir et blanc ; rangées par compartiments, je les décolle, blotties les unes contre les autres.
Consciente des sentiments que cela fait remonter en moi, je trie, éparpille, yeux embués, lèvres et cœur frémissants… je contemple l’une des photographies : « Ô maman, papa, mon jumeau et moi dans le landau en 1950, nos deux sœurs et notre frère aînés souriants pour la pause ! » -rue nat’, dans la ville de notre naissance-.

Voici les clichés des années 60 : après notre baptême, voilà « notre confirmation » : Hé, frérot, vise un peu « ma moue » ; oui, je boudais, ma tête encerclée d’une tresse de fleurs blanches. Je me remémore la scène, j’avais dit « non » aux parents ; « je ne suis pas photogénique pour un sou », leur avais-je dit… Les représailles arriveraient vite, je serais privée de dessert au repas familial, toi qui savais toujours garder ton sérieux face aux photos de famille, plus gourmand que moi, tu bénéficierais de ma part de gâteau, me narguant d’une vilaine grimace.

…Et ces repas de famille qui n'en finissaient pas ! Je ne buvais pas, mangeant peu. « Je m’embêtais », tiens, comme ma tantine Martine qui s’était déplacée de Paris ; elle aussi s’ennuyait ! Elle avait hâte de se lever de table. On se regardait, elle me faisait un clin d’œil complice, on se comprenait.

Je demandais toujours à m’asseoir à côté d’elle mais vu le nombre de prétendants qui se précipitaient -elle était encore célibataire-, je m’arrangeais pour être assise en face d’elle, je pouvais ainsi lui parler…

Ah, comme je t’admirais, tantine !

Les résurgences affluent… une photo couleur m’interpelle. Celle de toi, tantine, lorsque tu chantes :

—  Que tu es belle avec tes yeux de biche -couleur d'océan- surlignés d'azur ; ton teint précieux se rehausse d’un fond de teint Barbara Gould ; ton nez est fin, tes lèvres sont ourlées de beige rosé ; ton visage s'auréole de cheveux châtains, soyeux, coiffés en chignon ; des boucles d’oreilles Saphir soulignent tes oreilles délicates ; tu m’apparais telle une rose pourprée de porcelaine ou mieux une étoile scintillante nous éblouissant.
Tu rayonnes dans ta longue robe blanc-bleu à volants, sublime lorsque tu virevoltes à la fin de chaque chanson, sous le crépitement des applaudissements.
Je scrute l’image, remarquant les cinq boutons bleu ciel cousus sur ta robe au niveau de ta poitrine ronde et haute, avec juste au-dessus un ruban de satin bleuté entourant la collerette ornant ton cou gracile… Dieu que t’es belle, tantine ! J’entrevois le bout de ta chaussure noire vernie, contrastant avec le bas volanté de ta robe. Féminine jusqu’au bout des pieds.

À l’époque, les cousins, les copains, les vieux te guignaient avec des yeux brillants ; quant aux femmes, elles rêvaient de te ressembler ! Certaines jalouses t’appelaient « l’aristo de la mode », d’autres en rajoutaient ! T’étais comédienne, tu jouais au théâtre… de quoi faire des envieux(ses) ! Dans la même lignée, je m’étais inscrite au cours de théâtre paroissial, sans pouvoir t'égaler.
Ah, voici la photo où j’interprétais Cyrano de Bergerac : je n'ai pas oublié « le fâcheux, balbutiant… le minuscule », ce goujat oubliant que « l’appendice » était bien le mien ! inutile à mon âge de tiquer encore, je n’ai pas osé en changer depuis « de somptuosité, de Nez enfin »… mon cher époux menaçant de divorcer, mais je m’égare, je m’égare !
 
…Revenons à toi tantine… ma tantôt rock and roll, tantôt country et soul… Tu adorais les « Rolling Stones » mais également « Edith Piaf » que tu imitais souvent. On aimait t’entendre chanter après les repas : « Non, rien de rien, je ne regrette rien » et le répertoire d’Edith… coulait merveilleusement.

Dans ce méli-mélo, je trouve ce tirage couleur sur papier glacé où tu posais, radieuse et insouciante, assise dans le pré auprès de Claudius, -ton pressant copain du moment-. Sa barbe était autant fournie que ses cheveux de jais ; il était beau avec son costume noir trois pièces. Il avait belle allure le Claudius ! Il te vouait une passion sans limite qui parfois, te dérangeait ; on l’appelait « l’amoureux de Peynet ». Tiens, à mieux regarder, cela me fait penser à ce tableau d’Auguste Renoir : « Les amoureux », que le peintre réalisa un siècle plus tôt, une huile sur toile immortalisant Henriette Henriot et Pierre-Désiré Lamy, me semble-t-il… Impressionnant comme vous leur ressembliez !
 
Tu n'as pas eu le temps de faire carrière à Paris, car après cette après-midi-là -un brin poético-sémillante, passée avec Claudius jusque fort tard le soir, où l’on vous vit revenir, les joues rouges, cheveux en broussaille et habits froissés-, nous avons célébré vos épousailles !
Vous aviez déménagé près de Clermont-Ferrand, dans le Puy de Dôme ; on ne s’est plus revu(e)s… que pour le baptême de votre fille Louise… avant que tu ne meures tantine, d’un cancer foudroyant, tonton te suivant quelques semaines plus tard.

Chère tante Martine, je t’ai retrouvée… en contemplant ma grande sœur Claudia... c’est elle qui te ressemblait le plus. Seule la couleur des cheveux différait, les siens étaient noirs puis furent teints en roux ; sinon, même regard, même beauté, même classe... sauf que l’apparence avait changée ; Claudia portait les cheveux coupés au carré, elle était aussi jolie en mini-robe qu'en jupe midi vintage, ou pantalon à pattes d'éléphant, capeline, cuissardes... d'un style seventies.

Notre bellissima Claudia ne fit pas de théâtre mais monta souvent sur scène ! Il faut que je vous dise qu’elle suivait tous les concerts des
« Rolling Stones », reprenant souvent :
« Angie ».
L’an dernier, elle est allée voir Mike J. -son conscrit- pour la tournée des « Sixty ».

Claudia aimait beaucoup chanter et monta en « voix d’alto ou soprano » perpétuant jusqu’au ciel… les belles voix de Piaf et tantine. Claudia, tu nous enchantes encore à 75 ans -à nous faire pleurer-, lorsque tu reprends les magnifiques chansons d’Edith : « Milord - La vie en rose - L'homme à la moto - Padam… ».

Ô ma sœur ! s’il te plaît ! Chante-moi aussi : 
« L’Hymne à l'amour ». D’ailleurs, près de toi, on ne peut qu’aimer et
« l’on se fout du monde entier » !
 
Lien : Edith Piaf - Hymne à l'amour :
 
 
Extrait :
« Le ciel bleu sur nous peut s'effondrer
Et la Terre peut bien s'écrouler
Peu m'importe si tu m'aimes
Je me fous du monde entier
… …
Si un jour, la vie t'arrache à moi
Si tu meurs, que tu sois loin de moi
Peu m'importe si tu m'aimes
Car moi je mourrais aussi… »
 
Lien : « Angie » - The Rolling Stones (1973) :

 
Extrait : 
« Angie, Angie
Quand ces nuages vont-ils disparaître ?
Angie, Angie
Où cela nous mènera-t-il ?
Sans amour dans nos âmes
Et pas d’argent dans nos manteaux
Vous ne pouvez pas dire que nous sommes satisfaits
Angie, Angie
Tu ne peux pas dire qu’on n’a jamais essayé
 
Angie, tu es belle, oui
Mais n’est-il pas temps de dire au revoir ?
Angie, je t’aime toujours
Tu te souviens des nuits où on a pleuré ?
Tous les rêves étaient si proches
Tout semblait partir en fumée
Laisse-moi chuchoter à ton oreille
Angie, Angie
Où cela nous mènera d’ici... »

19 déc. 2022

147e devoir de « Lakevio du Goût », lundi 19 décembre 2022

Proposition de M. le Goût des Autres :

Mais non ! Je ne vous demande pas un devoir sur « Vacances romaines » ! Surtout au moment des vacances de Noël. Néanmoins, si vous aviez quelque chose à dire sur cette toile de Joseph Lorusso, ça me plairait de le savoir lundi. Le mieux de votre récit serait évidemment qu’il finît par « Couple, adieu, je vais voir l’ombre que tu devins. »

 
L’Éden des souvenirs

Tu m’avais invitée pour une balade motorisée, tu m’avais dit que ce serait une surprise et que cela me plairait. Lorsque j’arrivais, je remarquais tout de suite la couleur de ton scooter assortie à ma chevelure rousse… j’étais infiniment troublée par cette belle après-midi que je célébrerais à tes côtés.

Le cœur en fête, mes bras entourant ton corps svelte, je pose ma tête contre ton dos… yeux clos, bercée par la joie inexprimable de l’évasion…

…Nous voici au Muséum national d’Histoire naturelle, tu me guides au gré d’un parcours captivant, me faisant découvrir les trésors du jardin des plantes !

C’est ainsi que j’entreverrai « l’effloraison de l’amour » dans celle de l’écrin verdoyant de ce lieu remarquable.
Cette promenade romantique nous transporte dans le moindre recoin, bosquet d’ombre, éclat de lumière, le bonheur illumine nos visages et nos regards rêveurs… ta main entrelace la mienne et nous sentons la détente nous envelopper de sa douceur… Perçois les roses odorantes, vois le buste du conteur, le petit bassin, la statue de Vetturie...

— Ô regarde la nymphe, chérie ! Mais toi, tu es ma nymphe enchanteresse, chuchotes-tu à mon oreille…

Au même moment, nous entendons s’élever les accords agréables d’un concert joué au kiosque :
« Prélude à l’après-midi d’un faune » … nous nous emplissons des effluves délicieux de la flûte, de la harpe, du violon… chaque sonorité caresse voluptueusement nos oreilles, nos sens… nos corps s’éperdent tout entiers dans la grâce du temps présent, unique, mélodieux ; nos lèvres s’entrouvrent, attirées par un fluide magnétique.

Le premier mouvement apportera l’élan du désir, le second la suavité du fol baiser quand tout à coup, quelqu’un crie dans notre dos :

— T’as vu papa, le monsieur il tient fort la dame, tu crois qu’elle va tomber ? Regarde, il lui fait un bisou !

La petite-fille aux cheveux blonds bouclés me contemple de son regard d’azur, elle me questionne, étonnée :

—    T’as peint tes cheveux en rouge ? 

Je souris et vais lui répondre mais le père gêné, après un mot d’excuse, disparaît rapidement entraînant l’enfant. Le charme peut-il s’effacer, mettant un terme au songe enivrant de l’instant brûlant ? Nous nous esclaffons !

— Ô ma rousse aux cheveux rouges, ne tombe pas surtout, reviens vite dans mes bras, glousses-tu !

Ma larme étreint ta joue rieuse, tu m’embrasses fougueusement, récitant d’un ton langoureux ces vers célèbres :

« La petite, naïve et ne rougissant pas :
Que de mes bras, défaits par de vagues trépas,
Cette proie, à jamais ingrate, se délivre
Sans pitié du sanglot dont j’étais encore ivre.
»

… auxquels je réponds :
 
"Couple adieu, je vais voir l’ombre que tu devins."
[Poème : Le Faune de Stéphane Mallarmé].

« Imaginons, imaginez en pleine conscience cette félicité que toutes, tous, avons connu et vivons encore… »

Pour entendre le « Prélude à l’après-midi d’un faune » de Debussy, lien :

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