Lien vers le tableau de monsieur Mark Keller, proposé par Monsieur le goût des autres :
Les métamorphoses de l’absence
Je relis ta dernière lettre que je conserve dans l’étui de ma guitare, depuis ton départ. Yeux clos, tête baissée, je me répète chaque couplet de cette chanson que tu avais créée pour moi, tels des vers sublimes de poésie que tu composais régulièrement pour moi…
Dans cette salle d’hôtel-restaurant où nous nous rejoignions chaque week-end, je lève les yeux, ébloui par une lueur illuminant la table ; je sens les effluves délicats de ton parfum et miracle « tu es là » face à moi, buvant ton café crème… je te parle mais tu ne réponds pas [ta place habituelle reste désespérément vide].
Dehors, des mouettes pleurent sur l’onde azurée de l’océan, je pleure avec elles…
Derrière la vitre embuée de ma nostalgie, se dessine la silhouette aimée … naguère, tu aimais sortir avant moi, me laissant le temps de composer l’air d’une nouvelle ritournelle qui bercerait notre amour.
J'ai reposé ma guitare, les notes de musique restent suspendues dans l’éther de ce jour bleu, notre mélodie souffre d’être plongée dans le gouffre de l’absence, le manque de toi rejaillit, brisant mon cœur.
Je me souviens de notre dernier samedi passé ici ; « tu buvais ton café, perdue dans tes pensées », une larme coulait sur ta joue, instillant une perle au centre de la tasse que tu tenais gracieusement ; je te parlais du prochain week-end, de cette fête avec les copains… et tu m’annonçais d’une voix grave, enrouée :
— Jake, je pars demain et ne serai pas là samedi prochain ; tu te souviens du rendez-vous dont je t’avais parlé… c’est important pour moi ; je dois m’y rendre seule !
Les mois ont passé, mes larmes ont fondu sur la moindre flaque alentour…
Je gratte toujours le même air sur les cordes de ma guitare…
Sans ta présence je suis foutu Christina, tout va de travers !
Les copains m’attendent dehors, mais je ne suis pas pressé, la solitude est devenue ma compagne…
La porte du restaurant s’ouvre, un homme entre ; je contemple ses cheveux châtain-roux coupés en brosse et remarque sa barbe naissante ; il porte un jeans et des santiags noirs ; son regard lumineux me fixe, Ô j’ai le cœur qui bat ! Il s’avance et me salue :
— Salut Jake, les potes n’en finissaient pas de parloter, je crois bien qu’ils m’ont reconnue !
— Ô c’est toi ? C’est bien toi Christi mon amour ?
— Oui Jake, c’est bien moi ! je n’en pouvais plus de cette éternité m’arrachant à toi ! j’ai cru devenir fou ! l’intervention est un succès !
— Christian chéri, montons vite ! Notre chambre nous attend !
Une main sur ton épaule, l’autre tenant ma guitare, nous entonnons joyeusement notre chanson, à fleur de joie, à fleur d’accords, à fleur d'amour, et l’on rit, et l’on chante et l’on s’aime !