Membres

13.3.23

156e devoir de Lakevio du Goût, lundi 13 mars 2023

Proposition de monsieur le Goût des autres avec une Toile d’Auguste Renoir : « Femme au chat », 1875 : Que peuvent se dire cette jeune femme et ce chat dans la toile d’Auguste Renoir ? Je suis sûr qu’il y a une histoire à raconter. Une histoire qui commencerait, comme beaucoup de contes de fée, par : « Déjà petite elle savait qu’elle allait se marier avec un prince. »
Et si elle se terminait sur  : « Elle sourit alors à la pensée qui la traversa. »
 

Quel Prince aimer ?

Déjà petite elle savait qu’elle allait se marier avec un prince… languissante, elle brûlait de grandir… Ne pourrait-elle pas avancer à plus grands pas vers l'avenir ... plutôt que de s’en tenir strictement aux règles de la bienséance imposées par ses parents ?

Elle aurait aimé s’habiller en garçonne, courir dans les prés, les bois, comme une lionne ! Elle montait à cheval heureuse de galoper au loin, cheveux au vent, croisant des cerfs libres comme elle, dans l’immense forêt qui bordait le domaine. L’été, dès l’aube, elle nageait voluptueusement dans les ondes verdoyantes du grand lac, inconsciente de sa nudité ; elle se moquait que quelqu’un pût la voir. Quand elle rentrait, cheveux ébouriffés, joues rosies, sa mère lui demandait de veiller à plus de pudeur, d’aller revêtir une tenue décente, de quitter ce pantalon d’homme !

 
Il lui fallait alors ajuster un corset, une robe d’organdi dans lesquels elle étouffait, à relever sa longue chevelure dorée en chignon, ce qu’elle détestait. Elle consentait à jouer du piano dont les sons mélodieux des accords l’apaisaient, lui offrant de s’évader ! Jouer du Chopin, du Schubert la ravissait, d’autant qu’elle aimait particulièrement chanter ce « Lied der Delphine » ! 
 
Elle allait bientôt fêter ses 18 ans et l’on pensait déjà à la marier ! Mon Dieu ! que le prince était laid ! petit au ventre replet, il était veuf d’un second mariage, d’âge quarantenaire et bien trop vieux pour elle ! Lorsqu’il venait en visite à l’heure du thé, visiter ses parents, ceux-ci insistaient pour qu’elle soit présente et fasse bonne figure. Ils quittaient rapidement le salon pour les laisser seuls ; comme il n’était pas très loquace, elle prétextait rapidement une migraine et s’éclipsait en dépit des bonnes manières. Il revenait, prévenant, offrant des bouquets de roses qu’il remettait néanmoins à sa mère -que parfois Ellen se demandait pour laquelle il les apportait-, sa mère parlait bien sûr de « convenances » !

Aujourd’hui, il était là… il avait demandé une audience à ses parents. Sa mère -en joie- lui avait demandé de faire meilleure impression que les fois précédentes et de mettre sa plus belle robe, son avenir en dépendait ! On ne refusait pas un riche parti, imaginez, un prince dans la famille !

Le cœur serré, Ellen entra dans le salon… ils sont tous là à m’attendre, pensa-t-elle, mes parents, le prince… lorsqu’elle vit un beau jeune homme, grand, raffiné guère plus âgé qu’elle. Il portait avec élégance un habit de style victorien blanc valorisant son corps mince ; sa longue chevelure brune nouée en catogan retombait savamment sur sa chemise. Leurs regards se croisèrent… émotion, temps suspendu… 


— Chère enfant, permettez -moi de vous présenter mon beau-fils Walter.

Le jeune homme sourit, ajoutant : — Comme le poète Walter Scott ! Avez-vous lu le roman de madame de Staël...

 

Il ne finit pas sa phrase car un grattement à la porte du salon l’interrompit ! des miaulements leur parvinrent. Ellen ouvrit la porte.

   Ô Cookie, mon beau chat ! Viens dans mes bras, chaton adoré.

Elle pressa sa joue contre la fourrure marron ; le chat ronronnait d’aise, ses yeux d’or fixaient l’assemblée. Ellen oublia tout...

Sa mère lui dit alors : — Si tu jouais et chantais pour nous « Delphine, ce lieder de Franz Schubert ? » Ellen acquiesça.

    Walter s’approcha du piano tandis qu’elle entamait la Sonate et que sa voix subjuguait ses hôtes !

Diana Damrau : Franz Schubert, Lied der Delphine

    Lorsqu’elle s’arrêta, les applaudissements fusèrent ; le jeune homme s’approcha et lui dit :


« … Qu’un ami digne de ton cœur,

Qu’une belle tendre et sincère,

Aux dons de la fortune ajoutent le bonheur

Loin des bords oubliés de l’île solitaire… »

 

    Ellen le fixa longuement et répondit : "La Dame du Lac" - [Chant du Barde – Chant second, l’île, du poète Scott !]

     

    Elle reprit : 

 

« L’écume jaillit, étincelle,

Et disparaît dans l’aviron ;

En vain l’œil cherche le sillon

Que creusait l’agile nacelle :

Tel est dans le cœur des heureux,

D’un bienfait la trace éphémère.

Adieu donc, étranger ; tu vas, loin de ces lieux,
Perdre le souvenir de l’île solitaire… »
 
[Début du chant second, deux].
 
   Le jeune homme noya son regard dans le sien et chuchota :
 
    — Chère Ellen, vous réjouissez mon âme ! 

     Et vous la mienne cher Walter !
 
    — Ellen ! je vais demander à beau-papa l’honneur de vous faire la c…

Cookie avait sauté sur le piano, frottant le velours de ses poils sur les doigts de sa maîtresse, rompant la mélodie !  

 
  Walter suggéra :  
  
 — Voudriez-vous jouer pour moi : « l’Opus 25 Nr. 1 de Frédéric Chopin ? 

Soft Chopin 

     
    Bercés par les opus qui se succédaient, ils se retrouvèrent enfin seuls ! Walter susurra :

    — Beau-papa sort dîner en ville avec vos parents ! Ne souhaitant pas chasser vos jolies mains du clavier, Ô souffrez ma Dame que je déclame pour vous ce poème de Charles Baudelaire :
 

Viens, mon beau chat, sur mon cœur amoureux ;

Retiens les griffes de ta patte,

Et laisse-moi plonger dans tes beaux yeux,

Mêlés de métal et d'agate.

 

Lorsque mes doigts caressent à loisir

Ta tête et ton dos élastique,

Et que ma main s'enivre du plaisir

De palper ton corps électrique,

 

Je vois ma femme en esprit. Son regard,

Comme le tien, aimable bête

Profond et froid, coupe et fend comme un dard,

 

Et, des pieds jusques à la tête,

Un air subtil, un dangereux parfum

Nagent autour de son corps brun.

 
[Les fleurs du mal, 1857] 
 
« Ellen -conquise- sourit alors à la pensée qui la traversa. »

12 commentaires:

  1. Se farcir moult études de Chopin a-t-il un pouvoir aphrodisiaque et érotique qui l'a fait sourire à cette pensée ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Devine, Alain ... plonge-toi au cœur du poème ... la soirée est douce et ... je n'en dirai pas plus !

      Supprimer
  2. C'est romantique à souhait... mais après ? :-)

    RépondreSupprimer
  3. Chic une histoire qui finit bien, ça change ! :)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je souris car c'est d'une mièvrerie ... une histoire distillée en "pétales de rose" ... mon premier lecteur ne s'en étonne plus ! d'ailleurs l'expression "à l'eau de rose" remonte au XVIIIe, 19e siècle, la période de l'histoire... Merci Pastelle !

      Supprimer
  4. un coup de foudre visuel et musical merci !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Coucou roijoyeux ! merci beaucoup, cela change des "vilaineries" ambiantes ! belle journée, à bientôt le plaisir de te lire.

      Supprimer
  5. Ouf! Elle doit être bien soulagée... et heureuse.... elle va l'avoir son prince !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bien que cela n'existe pas ... ou ... plus ... éloignons-nous de la mauvaise fée comme dans "la Belle au Bois Dormant", nulle malédiction dans cette histoire, juste la joie d'imaginer la demoiselle face au beau jeune homme et l'espérance que cela finisse bien ! rassurant d'y croire encore ... et sur ce, beau clin d’œil chère Emiliacelina et belle journée à vous toutes et tous !

      Supprimer
  6. Hello Emma😘Avant de me joindre à vous je vais essayer de comprendre comment fonctionne ces devoirs!Je ne suis pas très douée pour la poésie,mais je devrais pouvoir raconter une histoire d'après tableau! expliques moi comment ça fonctionne !Combien de fois par mois, et l'histoire à raconter part t'elle toujours d'un tableau?
    Bizzzz

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Coucou chère Passiflore, pour participer au "devoir de Lakevio du goût", il te suffit de te rendre chaque vendredi sur le site de M. le goût, dont lien :
      http://le-gout-des-autres.blogspirit.com/
      Il nous soumet une toile... avec ou pas... une phrase, un vers, la citation d'un auteur ... pour commencer et terminer notre histoire ; après, c'est à nous ... avec ou sans poésie ... (que j'ajoute de temps en temps en citant des auteurs). Belle journée Passiflore !

      Supprimer

Heureux Premier Mai !

Dans la grâce de ce premier jour du joli mois de MAI... Merci à  Fée Capucine - Arlette pour son "défi : Bon premier mai" du 25 a...