30 janv. 2023

151e devoir de « Lakevio du Goût », lundi 30 janvier 2023

Proposition de M. le Goût des Autres : Cette toile d’Adela Burdujanu montre l’allée d’un parc un jour de printemps. Ce doit être l’approche du printemps qui me dit que cette toile ferait un chouette « Devoir de Lakevio du Goût ». C’est du moins ce qui m’a poussé à vous le proposer. Nous avons tous, j’en suis sûr, quelque chose à dire sur la fin de l’hiver ou les premiers soleils « efficaces ».

Nous avons tous un jardin ou un parc préféré, celui qui nous a vus, assis si ce n’est « avachis » sur une chaise. Nous avons alors, soit un livre sur les cuisses, soit, comme disait Lakevio « L’œil balayant ». Le regard attaché à un texte ou à l’affût d’un spectacle intéressant ou attendrissant. Je le sais, vous avez toutes et tous quelque chose à dire sur une allée de parc à l’orée du printemps. Alors à lundi, lectrices chéries et trop rares lecteurs chéris…
 

Rêverie amoureuse

Aujourd’hui c’est jeudi et ma journée de repos. J’ai quitté mon costume trois pièces de responsable de la sécurité au Grand Hôtel de la Plage et revêtu ma tenue de sport. Levé tôt, je reviens de l’océan où j’ai nagé deux heures comme je le fais régulièrement pour entretenir ma forme. Cheveux encore humides, je profite des rayons chauds du soleil pour sortir dans le parc. Je pensais être tranquille mais le jardin fourmille de vacanciers. Je peine à trouver une chaise disponible lorsque trois personnes quittent leur place, je m’installe pour lire la presse. Quelques instants plus tard, mes yeux se ferment et mon esprit dérive

Je songe à cette touriste arrivée seule, dimanche… que je croise matin et soir lorsqu’elle part et revient de ses excursions. Environ la cinquantaine comme moi… elle est svelte, élancée, élégante, gracieuse ; je la trouve magnifique ! ses longs cheveux noirs sont sublimés par une barrette avec trois fleurs rouges entourant son visage bruni, magnifié par l’air marin ; nez fin, lèvres ourlées de rose... lorsque son regard pervenche me fixe, j’en frémis à chaque fois ; il émane d’elle une aura magnétique. Elle s’appelle Marie… Pour tout vous dire, je pense à elle sans cesse, j’en rêve la nuit…

Ce matin, elle partait en croisière pour la journée. Après un signe amical, elle m’a indiqué : « à ce soir ». N’est-ce pas elle, là, traversant au fond du parc ? le voyage aurait-il été annulé ? elle disparaît derrière les arbres. Hier dans la soirée, il m’avait semblé reconnaître son allure souple, cheveux flottant au vent, marchant vers la roseraie… Le soir elle me disait « être rentrée tard », je m’en étais étonné, elle m’avait souri, répondant qu’elle « se dédoublait »… Cette femme m’obsède.

Des voix aiguës s’approchent ; il s’agit des deux blondinettes qui faisaient la fête hier au soir au dancing ; la dégaine déhanchée, elles étaient montées sur des chaises, buvant cocktail sur cocktail et monopolisant le micro au karaoké, sur des chansons de Maxime Le Forestier ; l’air me revient en boucle : « San francisco… ohohoho… » - « C’est une maison bleue adossée à la colline… », j’avais d’ailleurs dû intervenir gentiment… ce matin, l’une d’elle porte une robe rouge moins sexy que celle de la veille, la seconde la même robe mais de couleur noire ; elles s’esclaffent sans retenue -debout- près de la dame au chapeau bleu, assise entre elles et moi ; celle-ci me regarde exaspérée en hochant la tête lorsque les deux mignonnes se tournent vers nous et nous saluent… Je m’incline vers elles puis récupère la revue que la vieille dame a fait tomber sur le sol et lui rends.

J’observe « la(les) chaise(s) vide(s) » à proximité, me souvenant de ce film de Pierre Jallaud avec Martine Chevallier et Maxime Le Forestier… irrésistiblement, je fredonne cette chanson : « Ambalaba, ambalaba, ambalaba … Moi ti n'a princesse, tu vas guetter… » -hé, t’emballe pas, vieux- ! J’imagine que nous dansons Marie et moi, au bord de la plage… Levant les yeux, je sursaute : C’est elle là-bas ! encore une illusion ? … Maintenant, elle porte une robe longue blanche, les cheveux relevés en queue de cheval, se dirigeant vers moi.

Je me lève précipitamment et la rejoins :

 
—    Marie ? Vous ne deviez pas faire du bateau aujourd’hui ? 

    Ô cool ! vous avez quitté votre costume ? vous faites moins sévère aujourd’hui ! Vous m’attendiez ? Est-ce un interrogatoire ?

    Ô non, je suis confus…

 

Elle rit, ses yeux sont cachés par des lunettes jamais vues auparavant, elle pétille d’amusement, ajoutant d’un beau sourire :

 

  Je vous en dirai plus ce soir à l’apéritif ! Seriez-vous disponible pour dîner avec moi ? 

  

—   Bien sûr, réponds-je, j'en suis ravi ! 

 

—   Chic ! je vous ferai une surprise !

Elle est déjà partie… d’habitude, elle est plus réservée… J’ai hâte de la revoir !

Il est vingt heures. Le cœur battant, je l’attends dans la salle du restaurant. Elle n’est pas encore là. Dans la glace, je la vois arriver derrière moi, une autre femme la suit, en tous points identique.

D’un ton badin, l’une d’elles me dit :

    Alors, cher monsieur de la sécurité, surpris, non ? L’une de nous n’est arrivée qu’hier au soir ! laquelle des jumelles vous a invité à dîner cet après-midi ? Si vous trouvez, une seule vous offrira le dîner… sinon vous paierez l’addition, assis entre deux chaises.

Qu’imaginez-vous qu’il se passa ? Que je dus régler trois repas ou bien passer la soirée en tête à tête avec ma jumelle préférée…

À défaut de chaise, point de siège éjectable, juste le plaisir de bien faire … le travail !

Allez, je vous laisse à votre rêverie, je retourne à la mienne… et pour celles que cela intéresserait, je m'appelle Bruno...

23 janv. 2023

150e devoir de « Lakevio du Goût », lundi 23 janvier 2023

Proposition de M. le Goût des Autres : Le musée des Beaux-Arts de Nancy expose cette toile d’Émile Friant. Cette interprétation domestique de « La naissance de Vénus » semble dévolue, au premier abord, à la stimulation d’un amant peu assidu.
Seulement voilà, j’ai vu quelque chose dans cette toile qui m’a amené à me poser des questions.
De moi, je suppose que ça ne vous étonne pas… Encore que non, n’allez pas penser à des histoires de galipettes, non, pas du tout. Mais vous ? Qu’y voyez-vous ?
 
Lien pour visualiser cette toile : 
 

Contemplation Vénusienne

 
Aujourd’hui, pas de « Repas frugal » ! Je me suis préparée hâtivement, rêvant de ce 14 février 2017… la porte s’ouvre, il est 15h. J’entre, consciente du désir qui fait scintiller mon cœur, grimper mes sens, comme lorsqu’un phare éteint depuis longtemps s’illumine à nouveau sur un océan de lumière, dans cet émerveillement des retrouvailles…
 
Dans le boudoir secret, même l’air s’imprègne du désir sensuel réduisant les barrières qui m’emprisonnaient. Fuyant toute pudeur, j’ai jeté à la va vite -sur le fauteuil style empire- mes vêtements blancs contrastant avec le chapeau dont le feutre noir à larges bords, repose, décoré de somptueuses plumes d’or.
Je m’approche de la psyché en bois d’acajou où se reflètent mes formes graciles et ma peau diaphane ; le miroir me renvoie le fond carmin des tentures entourant ma silhouette ; mon exaltation déborde à te plaire, te séduire, te réduire à ma chair inassouvie...
 
Ma robe coule sur mes cuisses, j’accueille ton souffle ardent, tes soupirs de chevalier servant, tes regards complices baignés de convoitise ; tes non-dits m’insufflent de faire durer le plaisir. Prenant la pose, j’accentue les courbes alanguies de mon corps, ventre offert, seins tendus, épaules relevées, ma main droite étreint mes cheveux roux bouclés, ma main gauche enlace délicatement mon cou… et me voici : nue, nymphe, odalisque, princesse de l’amour et de la volupté, effleurant le sceptre d’Éros.
 
Éprise, je m’éperds dans un fleuve de fièvre indécente où l’œil de l’instinct, le pinceau du maître, le piquant de l’ardeur, dans un éclat de modernité, réinventent, idéalisent la muse vibrante d’enchantement. Sous tes doigts, naîtra l’étoile reliée à l’indicible perfection de la féminité.
 
Par quel pouvoir rosir d’émotion face à la beauté de l’instant ? Comment se détacher de l’énergie qui ruisselle ?
 
Je m’avance, frissonne et crie :
— Ne me fais pas languir davantage, prends-m...
 
Une voix douce s’enquiert :
— Ça va, Madame ? Le musée va bientôt fermer. Est-ce à vous, ce foulard blanc, le manteau… ?
 
Revenant à moins d’intensité, je balbutie confuse… un "oui, oui, désolée". Reprenant mon manteau, je sors de la salle et rejoins rapidement la sortie tandis que les lumières s’éteignent...
 
La nuit tombe, les rues sont désertes, la pluie dégouline sur mes cheveux, mon visage, se mêlant à mes pleurs… Où sont partis… « Les jours heureux » ?

16 janv. 2023

149e devoir de « Lakevio du Goût », lundi 16 janvier 2023

Proposition de M. le Goût des Autres : Cette toile de Marc Chalmé me dit quelque chose. Elle me rappelle une histoire, triviale certes mais une histoire. Et à vous ? J’aimerais que cette histoire commençât par « Mais qu'allait-elle faire là-bas ? ». J’aimerais qu’elle se terminât aussi par « J’en retirai le soulagement espéré… » Ne cherchez pas dans votre bibliothèque ou sur Internet, ces deux phrases plates mais courantes sont de votre serviteur. À lundi j’espère.
 
 
Le Trou Noir 

Mais qu’allait-elle faire là-bas ?
 
Adrienne avait rencontré Charles B. en 2011, lors de l’une des expositions du peintre, dans une galerie d’Art contemporain parisienne. Ils avaient sympathisé et s’étaient revus.  Depuis, elle suivait régulièrement ses expositions, aimant ses toiles qui reflétaient des scènes de rues, lieux où elle était née, la plongeant dans la joie de la contemplation, lui rappelant ce temps précieux de l’enfance, de l’adolescence. 
 
Adrienne avait été professeure de Lettres à la Faculté des Lettres de Sorbonne Université, enseignant notre belle langue de France, dans son approche linguistique et stylistique. 

Depuis sa retraite, elle était devenue biographe ; elle privilégiait toute rencontre, traduisant talentueusement la vie et les qualités humaines des personnes rencontrées. Elle tenait un blog et publiait chaque jour un article sous forme d’abécédaire, fort apprécié de ses lecteurs. Après plusieurs fictions littéraires dans lesquelles elle excellait, elle avait publié un premier roman d’aventures avec des héros extraordinaires, toujours tournée vers ses anciens élèves dont certains continuaient de correspondre avec elle... 

Charles lui avait proposé de venir dans sa maison de campagne, située au cœur d’une station balnéaire bretonne, dans ce lieu paradisiaque où elle avait toujours rêvé de vivre. Elle cherchait depuis quelques temps un lieu où se poser, se reposer afin d’écrire un roman policier. Charles étant absent actuellement, elle y serait tranquille. 

— Ici depuis trois semaines, comme chaque matin, levée à l’aube, j’assiste au lever du soleil, en buvant mon café ; je contemple la toile fixée au mur et me fonds dans ce paysage captivant qui m’insuffle un sentiment de liberté. Plongée dans un réel bien-être, je m’identifie à cette jeune femme aux pieds nus vêtue d’une robe verte ; ses cheveux blonds qui retombent sur ses épaules ressemblent étrangement aux miens ; elle a le dos tourné -comme moi- baignant dans cette lumière matinale, face à la forêt d’épicéas. J’ai l’impression d’être épiée.
 
Comme les jours précédents, j’ai ouvert mon ordinateur mais l’écran reste désespérément blanc, vidé de toute substance. Ce n’est pas aujourd’hui que j’entamerai mon premier chapitre. Je retourne me faire un café et, passant devant la porte de la cave, je remarque qu’elle est entrouverte. Je l’avais pourtant fermée à clef hier. Serais-je distraite ? 

La brise délicate effleure mon visage, la rosée irradie la pelouse du jardin, j’ai quitté mes sandales et parcours cet Éden qui me tend ses bras verts. Il fait déjà chaud, un délice humide rafraîchit la plante de mes pieds, j’atteins la forêt lorsque je sens un souffle derrière moi. Je me croyais seule. Je sursaute quand deux bras me saisissent par derrière, une curieuse odeur de chloroforme chatouille mes narines… puis, plus rien, c’est le vide. 

Je me réveille les mains ankylosées, je suis attachée à une chaise dans un sous-sol sombre ; je frissonne en sentant le froid sur mes jambes. L’odeur des sédatifs me brûle le nez. La porte s’ouvre, un homme se tient devant moi, la lumière est si faible que je n’arrive pas à voir son visage. Il s’avance… il porte une cagoule ; déliant mes liens, il me conduit hors de la cave en me menaçant d’une arme ; il me demande où se trouve le coffre-fort de la maison. Vacillante, je réponds que je suis en vacances ici, que la maison ne m’appartient pas. 

Au même moment, mon portable sonne, c’est Charles ! je décroche toute tremblante ; Charles arrive dans quelques minutes pour me saluer. L’individu qui entend la conversation prend la fuite, je l’entends murmurer : « je reviendrais ». 

Encore sous le choc de ce qu’il vient de se passer, je me précipite vers mon ordinateur ouvert, les mots glissent ininterrompus… je soupire après avoir écrit mon premier chapitre. Le dos posé contre le canapé, je laisse tomber ma tête en arrière, Charles se tient derrière moi, avec un sourire aux lèvres..

Tu avais bien besoin de ça, me dit-il ; je souris aussi, il s’assoit à côté de moi en ajoutant : Alors, on les écrit ces chapitres ? 

J’en retire le soulagement espéré.

  [Nouvelle écrite avec ma petite-fille Lou (bientôt 12 ans),
passionnée de bandes dessinées et de romans policiers.]

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