Dans le silence floconneux de l’immensité, une lueur s’est déposée sur un cœur… lumière de cristal, elle illumine son être. Doux reflet d’espoir, le soleil ranime la flamme éteinte de sa vie.
— « J’ai envie de dormir et de m’endormir pour l’éternité, gémit-il. Il gèle dehors et je suis perdu dans le froid. Personne à l’horizon. Je suis seul. Mes mains se croisent pour prier. Ô Mon Dieu ! Ne m’abandonne pas. Ne me laisse pas sur cette montagne enneigée. C’est plus que je ne pourrais en supporter. Réchauffe-moi. Mes membres sont engourdis. Je ne peux plus bouger. La froidure qui me glace le dos me rappelle que je suis vivant. Bien vivant.»
L’homme a voyagé. Il s’est assoupi, seul sous l’auvent d’une bâtisse désaffectée. Il couche à la belle étoile… Les étoiles ont déserté le ciel. Dans la nuit brumeuse, le frimas a déposé ses glaçons sur le vieux manteau. En lui, pleurent des sentiments inexprimables. Il n’a plus de toit pour dormir. Il n’a plus d’amis.
Il a froid. Il a faim. Il n’a plus soif d’avoir tant bu les crachins de la neige qui coule depuis des heures sur sa bouche fiévreuse. Ses paupières sont remplies de larmes d’eau sale qui ne tarit pas. Il n’a plus de forces ni de courage. Il a perdu la foi depuis longtemps. Il est si loin de tout. Vite ! Tout oublier, ne plus revivre pareille nuit.
Alors, il voyage dans les dunes chaudes de son esprit qui veille encore.
Cette nuit-là… une âme s’est arrêtée :
« Mes pas ont trébuché sur un soulier usé… »
L’homme qui rêvait sur l’illusoire hauteur s’est réveillé. Il tousse. Il souffre dans la neige qui tombe sans cesse.
Un regard, une main, un cœur se sont tendus vers lui. Une larme jaillit. Des sanglots fusent sur ses joues... C’est minuit. « Noël. » Deux mains se joignent puis deux cœurs vont s’entendre, s’écouter, se comprendre. L’homme a refusé. Il n’a plus la force de se lever. Il y a si longtemps qu’on ne l’a aidé. Il pense que c’est un songe, qu’il est déjà mort. Alors, il dit non. Irrémédiablement non parce qu’il n’y croit plus. Il ne croit plus en rien. Avant qu’elle vienne, il était bien. Il voyageait. Maintenant qu’elle est là, il survit. Il n’y comprend plus rien.
« Alors, j’ai attendu. Je suis restée longtemps auprès de lui. Toute la nuit. J ’ai réchauffé sa main glacée entre les miennes. Je ne l’ai plus quitté. »
Au petit matin, la brume s’est dissipée. Sous la couverture, gisent deux corps. Leurs mains sont restées soudées, intimement liées.
De là-haut, la lumière était venue. Brûlante et incessante. Le soleil les invitait à rejoindre ses rayons bienheureux. Dès lors, il avait jeté au loin sa galère et ses larmes de misère.
Il avait demandé : — Veux-tu partir avec moi ?
Elle avait répondu : — Crois-tu que nous serons plus heureux ailleurs ?
— Essayons, nous verrons bien ! — D’accord, je viens !
Ils sont au-dessus des nuages. L’immensité est bleue. La cime est verdoyante. Leurs corps sont légers. Parfois l’ondée de pluie les fait tressaillir. Alors, ils montent plus haut, ils voient tout. Plus rien ne les atteint. Les anges de Dieu veillent sur eux. Ils sont libres maintenant et tellement heureux.
— Oh ! Que la France est belle… mon amour ! — Regarde ! Voici notre maison !
« Je sens soudain ta main serrer la mienne. Nous voguons de par le monde, solidement ancrés l’un à l’autre ! »
Je me suis réveillée. Tu étais auprès de moi. Aurais-je rêvé ? Si loin et si près de toi en même temps…
La nuit dernière avait été dure. Le centre d’accueil était bondé. C’était Noël.
Il neige depuis deux jours. La voiture de nuit parcourt les rues sombres et verglacées. Là-bas, sous un abri de fortune, il y a cet homme couché. Il ne bouge plus. Nous avons lutté pour le ranimer. Il ne bouge toujours pas. Alors, j’ai pris sa main, je l’ai serrée si fort qu’il a tremblé. Il ne pouvait pas se lever … alors, je l’ai aidé, je lui ai parlé, je ne l’ai plus quitté.
Aujourd’hui, il fait moins froid. La neige a cessé de tomber et cet homme est sauvé. Il faut repartir. Il nous faut continuer car la route est longue mais la foi reste intacte.
(Nuit de Noël)
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