Proposition de Monsieur le goût : Chaque fois que je
passe sur la place de l’Étoile, je regarde l’Arc de Triomphe. Chaque fois je me
perds en conjectures devant les bas-reliefs qui en ornent les quatre piliers.
Mais vous ? Qu’y voyez-vous ? À quoi songez-vous ? Pensez-vous à la bataille
d’Austerlitz ou à « la pelle du 18 juin » que « le Petit Tondu » ramassa en
1815 ? J’espère en savoir plus lundi…
Cent cinquante-huit et plus
Je suis là… recueillie, contemplant l’attique de la partie supérieure du monument, ses quatre faces
intérieures et extérieures, les grandes et petites arcades ; je lis avec
attention les noms des batailles gravés sur les grands et petits piliers ;
je fais le tour des bas-reliefs qui soulignent les côtés nord, est, sud, ouest,
reconstituant ainsi l’Histoire de France pendant la période de la Première République et du Premier Empire.
Il est cinq heures quarante-cinq du matin. Debout,
face à la page blanche écornée de la nuit froide, un goût d’indicible
surgit : une douleur tenace m’assaille sur le côté droit du visage, suivant
latéralement le corps jusqu’en bas du talon. Ce mal soudain s’éparpille telle
une brûlure, interrompant ma pensée.
Le vent du nord m’interpelle, glacial. Je fixe les
inscriptions mouchetées par le temps, dressant un tableau constellé des noms, lieux,
dates… cochant les cases vides de mon ignorance.
J’en suis là à méditer sur ces pages de vie importantes
de l’Histoire -certaines connues, d’autres beaucoup moins- remontant
les siècles précédents. Au cœur des sépulcres du passé, ma conscience se noie,
mon âme s’éperd parmi celles disparues, en ces pertes immenses dues aux guerres.
La souffrance revient, sournoise, tailladant ma vision ; ma main aux
extrémités blanches se fige, tenant un stylo dont l’encre rouge sang coule insidieusement.
Dans les brumes de ce 3 avril, j’observe le fil rouge
de cette ligne de démarcation que ressasse ma face droite occupée par son lancinement
et la partie gauche libre d’aller où elle veut, paisiblement. Mon esprit se
rappelle une époque moins lointaine éveillant « la Flamme de la Résistance
et du Souvenir des combattants morts pour la France », m’insufflant cet indispensable
devoir de mémoire. Résurgences qui feront l’objet d’un autre récit car l’heure
tourne et j’ai le tournis.
Le vide s’estompe sur la chaussée qui s’anime. Je
reprends l’avenue des Champs-Élysées, scrutant Wagram, la Grande-Armée, Kléber…
essayant vainement d’intégrer ici Valmy, là-bas Arcole, Marengo, Austerlitz, Alexandrie,
Ligny, Montmirail… mais déjà la ligne du rail me tend ses bras rassurants.
Plus tard, dans le RER, je lirai ce poème :